La célèbre artiste Niki de Saint Phalle (Catherine Marie-Agnès Fal de Saint Phalle), veuve de Jean Tinguely, est décédée le 21 mai 2002, à San Diego (Californie), des suites d’une longue maladie. En raison de son travail avec le polyester, matériau dont on ignora longtemps la toxicité des émanations, elle souffrait d’une affection chronique des voies respiratoires. Malgré de nombreux séjours en clinique, l’artiste poursuivait inlassablement une oeuvre dont la variété séduit un public de grands comme de petits admirateurs, fascinés par les motifs des nanas multicolores, des coeurs, des monstres ou des serpents.
La biographie étonnante de Niki de Saint Phalle ressemble à la ballade d’une petite fille à la conquête du monde. Née le 29 octobre 1930 à Neuilly-sur-Seine en France, elle est la deuxième de cinq enfants d’une famille aristocrate de banquiers franco-américains. Lors de ses années de jeunesse passées à New York, elle suit les cours dispensés par des religieuses la préparant à une vie d’épouse modèle. Elle décide alors de quitter le carcan familial en épousant, à l’âge de dix-huit ans, l’écrivain Harry Mathews, d’un an son aîné. De leur union naissent deux enfants : Laura et Philipp. Niki rêve alors d’une vie d’actrice et travaille comme mannequin pour des revues de modes tels Vogue et Harper’s Bazar. En 1952, la petite famille s’installe à Paris où Mathews introduit son épouse dans le milieu artistique international de la capitale. Son esprit insoumis, qui l’avait poussé, encore écolière, à se révolter contre les conventions étriquées, la manipulation et l’aridité intellectuelle, trouve enfin son inspiration dans les nombreuses actions des jeunes artistes de son époque. Suite à une dépression nerveuse, Niki commence à dessiner et à peindre en autodidacte – "je suis devenue artiste car il n’y avait pour moi aucune alternative. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas été forcée à prendre une décision, ce fut mon destin”. Ses premières œuvres s’apparentent à des travaux d’art brut : portraits fortement colorés, tableaux représentant des châteaux fantaisistes, des jardins aux plantes et animaux fabuleux ou encore des figures humaines au repos. Ces motifs, apparaissant ici pour la première fois, seront déterminants pour toute son œuvre.
Dans les années 60, Niki fait partie du cercle d’avant-garde des Nouveaux Réalistes regroupant notamment Yves Klein, Arman, César, Jean Tinguely, Daniel Spoerri, Bob Rauschenberg et Pierre Restany. Ses tableaux-tirs, ses assemblages affichant une critique sociale soutenue ainsi que ses nanas dansantes, volumineuses et voluptueuses font d’elle une artiste téméraire, une femme moderne, souveraine, libérée de tout tabou.
L’un des événements-clés de sa vie fut, en 1955, la découverte de l’architecture d’Antonio Gaudi et sa manière d’utiliser des matériaux décoratifs et des objets trouvés pour animer artistiquement les surfaces. Le rêve de réaliser un jour son propre jardin de sculptures était né, même si Niki allait encore traverser des décennies d’une vie d’artiste instable et productive avant de se consacrer, dès 1978, à la mise sur pied de son Jardin des Tarots situé en Toscane. Inauguré en 1998, ce dernier s’est continuellement enrichi de nouvelles œuvres intégrées par l’artiste à l’ensemble.
En 1955, elle fait la connaissance de Jean Tinguely à Paris. Cette rencontre fondatrice donne une nouvelle impulsion à sa vie d’artiste qui l’accompagnera au-delà même de la mort du créateur survenue en 1991. Il lui apprend les astuces du métier de sculpteur et associe des structures de fer à ses premières créations de plâtre ; elle tombe sous le charme de cet être intrépide et impétueux. Fortement impressionné par le monde intérieur infiniment riche et secret de Niki, Tinguely séduit la belle jeune femme.
Leur vie de couple privée comme professionnelle est turbulente et ressemble bien souvent à une partie de ping-pong, dans laquelle : “on se lançait sans arrêt la balle” comme le décrivait Niki. Les résultats les plus représentatifs de ce “jeu d’artistes” sont par exemple, le "Paradis Fantastique” de Stockholm (1967) ou encore, la fontaine Strawinsky à Paris (1983). L’histoire de ce couple d’artistes hors du commun tout comme la signification de leur oeuvre reste sans doute encore à écrire alors que le Leitmotiv de leur relation “Who is the monster, you or I” nous est donné par Niki en personne.
Niki de Saint Phalle ne se fixe jamais en Suisse mais séjourne, à diverses reprises, dans notre pays : à Lausanne, lors de la construction "d’Eurêka” de Tinguely, en 1963/64 ; à Saint-Maurice, lors de séjours en clinique ou encore à Fribourg. Elle vit alors en grande partie à Paris, à Soisy-sur-Ecole, dans l’auberge du Cheval Blanc aménagée avec Jean Tinguely. Suite au décès de ce dernier, elle s’installe, en 1994, dans le doux climat californien que lui recommandent ses médecins.
La reconnaissance de son oeuvre ne fut pas immédiate. Son monde pictural anticonformiste et direct n’est tout d’abord pas pris au sérieux. Dès 1962 pourtant, le célèbre galeriste Alexander Jolas lui donne l’occasion de présenter son travail. En 1965, elle montre à Paris ses premières Nanas de papier mâché, fil de fer et laine. Après avoir été ignoré ou méconnu, son œuvre connaît enfin une reconnaissance générale en 1980, lors de la grande rétrospective organisée au Centre Georges Pompidou. Le public mesure alors la richesse et l’étendue de ses recherches artistiques. Niki trouve de puissants défenseurs de son œuvre en Hollande et en Allemagne. En 1973, malgré une opposition farouche, la ville de Hanovre lui commande la réalisation de trois nanas monumentales. L’artiste n’oublia jamais cet engagement et gratifia, en 2000, le Sprengelmuseum de Hanovre d’une importante donation. En 1980, la cité d’Ulm montre pour la première fois son oeuvre graphique. Enfin sa popularité culmine en 1992, lors de l’importante exposition de Pontus Hulten à Bonn.
Peu de temps avant son décès, Niki de Saint Phalle offre une importante donation à la ville de Nice pour son Musée d'Art moderne et d'Art contemporain...
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