Tamara Gorska est née le 16 mai 1898, à Varsovie, en Pologne. Fille d’avocat élevée dans un milieu privilégié, la jeune Tamara partage sa vie entre Saint-Pétersbourg,
Monte-Carlo et les villes d’eaux européennes. En 1914, elle s’installe à Saint-Pétersbourg chez une tante et prend ses premiers cours de peinture. Elle s’éprend d’un jeune avocat
russe, Tadeusz Lempicki, qu’elle épouse en 1916. La révolution d’octobre interrompt brutalement cette vie nonchalante. Elle gagne Copenhague où la rejoint son mari, et finit par échouer à Paris
comme de nombreux émigrés russes. Ayant perdu ses repères, se raccrochant aux dernières splendeurs d’une société en exil, le couple se disloque.
Alors que son mari refuse de s’abaisser à travailler, Tamara décide d’assumer sa vie et choisit une carrière de peintre pour y parvenir. En 1920, elle fréquente assidûment l’académie de la Grande
Chaumière. Elle choisit de compléter sa formation auprès de Maurice Denis (1870-1943) qui lui impose le respect du dessin, elle suit aussi l’enseignement délivré par André Lhote (1885-1962) qui
défend alors le "néo-cubisme", un cubisme synthétique stylisé et foncièrement décoratif. Des voyages en Italie, où elle copie les
chefs-d’œuvre de Pontormo, viennent achever sa formation. Elle dévoile ses créations au public pour la première fois, au Salon d’automne de 1922, avec un portrait. Elle développe alors un
style sculptural, fortement marqué par le cubisme, au dessin ferme et dans une gamme de couleurs franches. Le succès n’est pas immédiat mais sa personnalité s’impose rapidement
au milieu artistique et mondain de l’époque.
Installée dans le quartier du Montparnasse, elle fréquente les soirées du couturier Paul Poiret, la boîte de nuit de Suzy Solidor et discute peinture au Dôme ou à la Rotonde en compagnie de
Georges Braque et d’André Gide. Cette vie de bohème lui inspire la plupart de ses tableaux. Ses sujets sont le plus souvent des nus dont elle
trouve les modèles dans la rue ou lors de ses nuits licencieuses. En 1923, elle expose au Salon d’automne, Perspective (collection particulière) qui montre des femmes surprises dans un moment
d’abandon. Ce thème clairement affiché dans son œuvre, participe à l’image de femme garçonne laissée par Tamara de Lempicka tel que l’incarne l’Autoportrait Tamara dans la Bugatti
verte (collection particulière).
Les portraits, dont elle reçoit la commande, constituent l’autre partie de sa production. Ses modèles appartiennent à la société artistique et mondaine de l’époque. Des personnalités aussi
diverses qu’André Gide, la duchesse de la Salle, le grand-duc Gabriel Constantinovitch, cousin du tsar Nicolas II de Russie ou le docteur Boucard, inventeur ayant fait fortune dans
l’industrie pharmaceutique, passeront dans son atelier. Au cours d’un séjour en Italie où elle rencontre un grand succès, elle tentera, sans y parvenir, de portraiturer le célèbre dandy et poète
Gabriele d’Annunzio (1863-1938). Ce goût pour le portrait marqué par une façon si particulière de déformer les proportions lui valut d’être qualifiée d’"Ingres perverse". Les formes pures et bien définies qui caractérisent son œuvre ne sont pas non plus
étrangères au maître de Montauban. Cette influence et la dimension classique de son œuvre s’accentueront au fur et à mesure qu’elle s’éloigne du cubisme synthétique. Son œuvre
gagne en outre une monumentalité et un maniérisme qui témoignent de son goût pour les maîtres italiens de la Renaissance.
Après son divorce en 1928, elle effectue un premier voyage aux États-Unis où elle expose ses toiles à Pittsburgh et répond à la commande d’un portrait à New York. Désormais artiste de
réputation internationale, elle reçoit la reconnaissance des institutions. Ses œuvres entrent dans les collections du musée des Beaux-Arts de Nantes, du musée du jeu de Paume et du musée
du Luxembourg à Paris. En 1933, elle épouse le Baron Raoul Kuffner, l’un de ses plus importants clients, avec lequel elle entretenait une liaison depuis plusieurs années. Le rang social qu’elle
retrouve alors lui fait perdre peu à peu sa place au sein de la vie artistique parisienne. Avec la crise économique, son répertoire s’élargit à des sujets comme ceux de
vieillards, de paysannes ou de saintes et l’éloigne de l’image sulfureuse qui suscitait l’engouement de sa clientèle.
En 1939, Tamara de Lempicka fuit la guerre et s’installe aux États-Unis avec son mari, où elle poursuit sa carrière de peintre et organise quelques expositions. À Hollywood, ses
toiles amusent et emportent un vif succès dans le monde du cinéma. Le County Museum de Los Angeles fait l’acquisition de Mère et enfant. En 1943, elle s’installe à New York. Elle continue de
peindre mais son œuvre tombe dans un total oubli. En 1957, à l’occasion d’une monographie qui lui est consacrée, son œuvre est à nouveau reconnue. L’engouement pour l’époque Art
déco, à partir des années 1970, réhabilite son œuvre et en fait l’une des icônes de cette époque révolue.
En 1976, elle fait don à l’État français de vingt-deux toiles. Elle meurt le 18 mars 1980 dans sa retraite de Cuernavaca au Mexique.
"Je veux qu'au milieu de cent autres, on remarque une de mes oeuvres au premier coup d'oeil." Tamara de Lempicka.
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