L'enfance a laissé des traces profondes chez ce garçon fragile et hypersensible. Issu d'une famille bourgeoise, le jeune Cocteau (né le 5 juillet 1889) partage son temps entre une villa à Maison-Laffitte et un appartement à Paris, dans une ambiance insouciante où l'on se pique d'art avec éclectisme et légèreté. A l'âge de 9 ans, la mort surgit dans cette vie paisible : son père, un être effacé, rentier et vaguement peintre, se suicide d'une balle dans la tête. Le petit Jean, dernier d'une fratrie de trois, grandit avec sa mère Eugénie.
Le jeune homme fait preuve de facilités artistiques, notamment dans le dessin et l'écriture. Après trois échecs au bac, dont il fait peu de cas, Jean Cocteau choisit la carrière d'homme de lettres. Il fait vite fureur dans les salons. Il publie ses premiers poèmes dès 1909 et devient une des figures à la mode du Tout-Paris et des salons que fréquentent les Daudet, la comtesse de Noailles et Marcel Proust. Il publie son premier livre de poèmes, La Lampe d'Aladin, à 19 ans. Cocteau devient alors connu dans les cercles artistiques bohémiens comme le 'prince frivole'. C'est sous ce titre qu'il publiera à 21 ans, en 1910, son second recueil de poèmes.
Tout au long de sa vie, il se lit d'amitié avec d'autres grands artistes de son époque : Proust, Gide, Barrès, Apollinaire, Picasso, Truffaut, Piaf,... En 1918, il rencontre le poète Raymond Radiguet et aurait eu une relation amoureuse intense avec lui. Horrifié par la mort soudaine de Radiguet en 1923, il devient accroc à l'opium, son visage s'émacie, sa silhouette s'amaigrit... et son oeuvre prend des accents plus sombres, plus introspectifs, reflet de cette douleur intérieur. On prête également des relations amoureuses entre Cocteau et Nathalie Paley (princesse et actrice), Jean Marais, Edouard Dermit (acteurs) ou encore Panama Al Brown (boxeur).
L’entre-deux-guerres devait être pour Jean Cocteau, au faîte de sa gloire, une période d’intense créativité, placée sous le signe de l’avant-guarde. Il collabore avec des musiciens tels Érik Satie (Parade, 1917) et Darius Milhaud, comme avec des peintres célèbres. Il témoigne dans son écriture d’une égale curiosité, s’essayant à la poésie d’inspiration futuriste, dadaïste ou cubiste : Le Cap de Bonne Espérance (1919), au roman poétique : Le Potomac (1919), Thomas l’imposteur (1923), Les Enfants terribles (1929). Il occupe également une grand place dans le théâtre, avec Les Mariés de la tour Eiffel (1924), La Voix humaine (1930), La Machine infernale (1934), Les Parents terribles (1938), Les Monstres sacrés (1940), Le Bel Indifférent (1940, avec Edith Piaf), La Machine à écrire (1941), L’Aigle à deux têtes (1946), Bacchus (1952).
Enfin, le cinéma devait à son tour attirer Jean Cocteau, qui donne au septième art des films et des scénarios marquants, parmi lesquels on citera Le Sang d’un poète (1930), L’Éternel retour (1943), La Belle et la Bête (1945, avec Jean Marais) dont la beauté des décors, les jeux d’ombre, les trucages donnent à ce conte écrit en 1757, une féerie inégalée. Il réalise aussi entre autres Les Parents terribles (1949), Orphée (1950) et Le Testament d’Orphée (1960). Les films de Cocteau, dont il a écrit et dirigé la majeure partie, furent particulièrement importants dans la mesure où ils introduisirent le surréalisme (mot inventé par Apollinaire) dans le cinéma français et influencèrent, dans une certaine mesure, le genre français de la Nouvelle Vague.
Il convient d’ajouter encore à la palette variée de ses talents celui de dessinateur (citons ses dessins très érotiques du Livre Blanc) et de peintre. Le dessin n'est pourtant pas l'aspect le plus connu de l'art de Cocteau. Il traverse pourtant toute son oeuvre, de ses caricatures des années 1900, à ses fresques pour la villa Santo-Sospir de Saint-Jean-Cap-Ferrat ou des chapelles de Villefranche-sur-Mer et Milly-la-Forêt, en passant par ses innombrables portraits de ses proches. Qu'il prépare un roman, une pièce ou un film, Cocteau ne cesse de dessiner, pour illustrer un récit, préparer une mise en scène... A ses yeux, l'écriture et le dessin ne forment qu'une seule activité.
En 1963, dans sa demeure de Milly-la-Forêt, Jean Cocteau est emporté par une crise cardiaque, le jour du décès de son amie Edith Piaf. Après 74 ans d'une course effrénée, celle d'un enfant surdoué et fragile en quête d'amour, de magie et de poésie face à la fatalité de la mort. En 1947, l'artiste écrivait dans La Difficulté d'être, son texte de la mise à nu : "J'ai de naissance une cargaison mal arrimée. Je n'ai jamais été d'aplomb. Voilà mon bilan si je me prospecte. Et, dans cet état lamentable, au lieu de garder la chambre, j'ai bourlingué partout. Depuis l'âge de quinze ans, je n'ai pas arrêté une minute".
Source : Shadow.
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