Franz Xaver Messerschmidt (1736-1783) est né en Bavière, mais d'abord célèbre à Vienne, ce sculpteur singulier et troublant est essentiellement connu pour une série de têtes en métal, hyperréalistes dans leur facture et totalement expressionnistes par leurs tensions et leurs rictus. Ses fameuses "têtes de caractère" réalisées hors commande, fascinèrent autant les psychanalystes que les artistes comme Gustav Klimt ou Egon Schiele, ou les historiens de l'art.
Professeur adjoint à l'Académie Royale des Beaux-Arts de Vienne en 1769 et portraitiste des cercles aristocratiques et intellectuels vivant dans la capitale autrichienne: il réalise des bustes du couple impérial et de personnalités des Lumières viennoises, dont le médecin magnétiseur Franz-Anton Mesmer. En 1774, il se voit refuser le titre de professeur en titre à l'unanimité de ses collègues, en raison de son caractère difficile. Ulcéré, il quitte Vienne après avoir liquidé ses biens, passe par Munich et s'établit en 1777 à Presbourg - Bratislava aujourd'hui -, où il meurt six ans plus tard.
Il semble qu'il commença à sculpter ses têtes en 1771, on ignore combien de têtes Messerschmidt a réalisées pendant sa vie. De l'ordre dans lequel les têtes ont été modelées, on ne sait rien. Les titres qu'elles portent aujourd'hui leur ont été donnés pour la présentation de 1793 : titres posthumes et sans valeur. On ne sait pas plus si Messerschmidt les regroupait en catégories. Dix ans après sa mort, en 1793, son frère en vendit 49 à un particulier. Celui-ci les transféra à Vienne où elles furent exposées pour la première fois au public.
Constituées principalement d'un alliage d'étain et de plomb, parfois en albâtre, jamais vendues malgré des offres généreuses, elles ont accompagné le sculpteur tout au long d'une carrière de plus en plus incertaine en raison des troubles psychiques qui l'affectent très tôt et entraînent son expulsion de l'Académie en 1774. Confronté à ses délires, Messerschmidt va sans doute trouver dans ses visages déformés une manière d'exorciser les esprits maléfiques qui le persécutent et lui causent des souffrances psychiques et physiques.
Ces têtes, exclusivement masculines et correspondant à différents âges, sont strictement frontales et surmontent l’amorce d’un simple buste. La représentation de l’expérience émotionnelle, la fidélité avec laquelle l’artiste rend l’expression du visage (yeux grands ouverts ou fermés par des paupières serrées, bouches grimaçantes, traits crispés) sont impressionnantes de maîtrise. Derrière leur aspect théâtral, ce ne sont ni des masques ni des caricatures. Bien que muets, parfois même la bouche bâillonnée, les visages hurlent les tensions de l'âme, la souffrance psychique et corporelle.
Si l’on trouve des équivalences à sa sculpture principalement dans les domaines du dessin, avec en premier lieu les précurseurs Léonard de Vinci (dont les caricatures sont publiées en 1730) ainsi que Charles Lebrun, ou encore dans la peinture rococo (Ducreux, Liotard…), ce type de représentations de l’instantané (rire, grimace, bâillement…) est rare en sculpture. Mais en l’espèce, l’art de Messerschmidt va plus loin qu’une mise en forme d’instantanés, de mouvements naturels : ses expressions sont outrées, paroxystiques.
Selon l'écrivain allemand Friedrich Nicolai, qui lui rendit visite deux ans avant sa mort en 1783 à 47 ans à Presbourg (aujourd'hui Bratislava), l'artiste se pinçait en se regardant dans un miroir en faisant diverses grimaces. Ainsi entendait-il capter les esprits qui le tourmentaient. Il reproduisait avec une grande précision les déformations de son visage dans la pierre, le bois ou le plâtre. Et, une fois figée, la douleur se trouvait comme piégée à l'extérieur. Neutralisée, en quelque sorte.
Aux confluences de la physiognomonie et de l'art, les sculptures de Messerschmidt interrogent le spectateur sur les notions de Beau et de normalité. Aujourd'hui encore, les sculptures de Franz-Xaver Messerschmidt continuent à poser leurs énigmes sans réponses.
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