Pablo Picasso, Guernica (1937), analyse d'oeuvre

Guernica (1937)
Guernica (1937)

"Guernica, la plus ancienne cité des provinces basques, le centre de leurs traditions culturelles, a été hier après-midi complètement anéantie par une attaque aérienne des insurgés. Le bombardement de la ville sans défense, située loin derrière la ligne du front, a duré exactement trois quarts d'heure. Durant ce laps de temps, une forte escadrille de machines d'origine allemande (des bombarbiers de types Junker et Heinkel, ainsi que des chasseurs Heinkel) ont déversé au-dessus de la ville, sans interruption, des bombes allant jusqu'à un poids de 500 kilos. En même temps, des avions de chasse ont tiré en rase-motte sur des habitants qui s'enfuyaient dans les champs. En peu de temps, tout Guernica s'est embrasé."

 

Source: le Times de Londres du 27 avril 1937.

 

Guernica, la toile monumentale (349.3x776.6cm) de Picasso illustrant les horreurs de la guerre et la souffrance humaine qu'elle provoque est l'oeuvre du siècle. Quand Picasso peignit ce tableau, il venait d'apprendre que le 26 avril 1937, Guernica, la ville sainte des Basques, venait de subir de terribles bombardements. Ce jour-là, des forces aériennes sous commandement allemand détruisirent en quelques heures la petite ville espagnole, afin de venir en aide au général Franco et à ses partisans, qui avaient tenté un putsch contre le gouvernement légitime.

 

Guernica, après sa destruction, mais aussi grâce au tableau de Picasso, devait devenir le symbole de la brutalité de la guerre d'Espagne. Dès le début, Picasso avait pris fait et cause pour le gouvernement républicain légitime. Celui-ci lui demanda début 1937 de réaliser une peinture monumentale pour le pavillon espagnol de l'Exposition universelle qui se tint à Paris en juillet. Picasso, lorsqu'il reçut la nouvelle de cet effroyable bombardement, décida de le choisir pour thème et il exprima son effondrement dans cette oeuvre extraordinaire, achevée en quelques semaines, à laquelle il travailla sans répit entre le 1er mai et le 4 juin. A de nombreux points de vue, Guernica est devenu l'image élémentaire de la destruction de la vie humaine et de la civilisation. Picasso trouva là des signes universels pour exprimer la souffrance indicible et la douleur des hommes.

 

La composition est dénuée de couleurs et seuls subsistent des gris, des blancs et des noirs qui soulignent le paroxysme du désespoir illustré par cette scène, dont on ne sait pas si elle a lieu dans un intérieur ou en plein air, de jour ou de nuit. Les figures se précipitent, s'effondrent, hurlent; le mouvement est dramatique, et la gestuelle très expressive. Tous, hommes et animaux, sont des victimes: à gauche au bord du tableau, une femme pleure son enfant mort qui gît dans ses bras, au-dessous d'un taureau mugissant, tandis qu'au premier plan est allongé un soldat mort, désarticulé. Une fleur sort de l'épée brisée qu'il tient encore. A droite apparaît une femme courbée, qui cherche de l'aide. Au-dessus d'elle, une figure horrifiée éclaire les ténèbres et tout à droite un personnage désespéré lève les bras au ciel. Le centre du tableau est occupé par un cheval cabré; une sorte de lampe qui a la forme d'un oeil renfermant une ampoule électrique est suspendue au-dessus de sa tête. Est-ce l'oeil de Dieu ou le symbole de la bombe destructrice?

 

Picasso se sert dans cette oeuvre des modes stylistiques et des motifs qu'il a étudiés au cours des années précédentes, en employant la multiplicité des formes du cubisme, les grossissements surréels ainsi que la perspective simultanée pour les figures. C'est ici qu'il a recours pour la première fois et clairement au langage pictural des dessins d'enfants, qui tend à simplifier la forme et le dessin. Les images planes sont associées à des vues de face et de profil, les zones colorées débordent des contours des figures. Pourtant, il est clair que tout contribue à faire ressentir au spectateur la peur, la douleur et la souffrance avec une gestuelle aussi expressive que possible et avec des modes d'expression existentiels, afin qu'il n'ait aucune possibilité d'échapper au spectacle. La cruauté de la guerre a rarement été dépeinte d'une manière aussi crue que dans Guernica. Picasso a créé une image intemporelle de la terreur et de la violence dont sont victimes les humains aussi bien que les animaux.

 

Guernica est demeuré présent dans la conscience collective du XXème siècle, parce que Guernica en maintient le rappel dans le domaine de la culture. Au bout de 40 ans d'exil à New York, lorsque le tableau est retourné en Espagne en 1982 (Picasso avait disposé qu'il ne deviendrait propriété de l'Espagne qu'après la fin du fascisme), la nation a gagné un symbole. Au Prado de Madrid, il est maintenant accroché, protégé par une surveillance et des mesures de sécurité dignes des réserves d'or de la Bank of England.

 

"Non, la peinture n'est pas faite pour décorer les appartements. C'est un instrusment de guerre offensive et défensive contre l'ennemi." Pablo Picasso.


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Commentaires: 1
  • #1

    Sylvia Ladic (samedi, 18 janvier 2014 15:02)

    Bonjour et merci de votre article qui rappelle les grandes idées de l'oeuvre. Peut-être qu'un autre point de vue intéressera les lecteurs; pour les curieux, voici la fiche d'analyse que je propose sur mon blog : http://e-cours-arts-plastiques.com/analyse-doeuvre-guernica-de-pablo-picasso/ Vous y êtes les bienvenus !