Antoni Tapies produit des toiles à la pâte épaisse, expérimentant des mélanges de terre, de peinture, de collage où les influences de la peinture moderne se mêlent aux influences primitives. Cartons, ficelles, paille, poils, vieux draps, papier se mélangent aux couleurs ocres et grises. Comme l’écrit Jacques Ancet, "Le goût d’Antoni Tàpies pour les matières pauvres, élémentaires où viennent s’incarner et se confondre, dans une unité qui les englobe, celles de la naissance et de la vie (terre, boue, paille, bois…) et celles de la dégradation et de la mort (poussière, détritus, coulures, excréments…). Mais, ces matières ne sont pas statiques, déposées là, telles quelles, dans le hasard de leur rencontre. Elles sont mises en mouvement par un geste et transfigurées par un regard".
Chaque surface tantôt lisse, rugueuse, griffée ou lacérée est retravaillée par toute une série de marquages, d'inscriptions qui donnent un rythme à l'oeuvre. Dans l'épaisseur de cette matière s'inscrivent des signes qui sont les véhicules essentiels de sa démarche: Triangles, cercles, croix, lettres et chiffres, parties du corps. Autre trait caractéristique de son œuvre, l’austérité chromatique est présente quelle que soit la nature du matériau – ciment, terre, vernis, sable, fer – la réduction du spectre fait glisser les couleurs du côté d’un ensemble de valeurs: Le noir et le blanc, le bistre, le marron, le gris, le beige ou l’ocre. Des couleurs ternes en harmonie avec la crise du lyrisme qui se développe à la fin du XXème siècle. Des notes colorées viennent, ponctuellement, créer des dynamiques nouvelles dans les toiles. Le rouge et sa violence sanguinolente sont récurrents.
Tapiès a ainsi prolongé l’acte par lequel Miro voulait "assassiner la peinture": En associant, sur la toile, les matières les plus diverses (bitume, terre, bois, fer, poudre, marbre, chiffons) et en y assemblant des éléments disparates, le plus souvent de récupération, il a inventé une nouvelle manière de s’exprimer, non pas avec la matière, mais dans la matière. Mêlant huile, marbre pulvérisé, pigments en poudre ou latex, altérés par des signes informels, grattés dans la couche picturale, il a donné un nouveau corps aux œuvres. La richesse du travail d'Antoni Tàpies est donc dans son apparente pauvreté: Pauvreté de couleurs, de formes, de matières. Paradoxe qui relève d'un double et indissoluble mouvement de destruction et de création.
"L’artiste doit tout inventer, il doit se lancer à corps perdu dans l’inconnu, rejetant tout préjugé, y compris l’étude des techniques et l’emploi des matériaux considérés comme traditionnels". Antoni Tapies.
En savoir plus sur le site Lankaart.
---> Retour Blog Art Contemporain.
Écrire commentaire