Autoportrait à la palette, Pablo Picasso

Pablo Picasso - Autoportrait à la palette - 1906
Autoportrait à la palette

Devant un fond gris, Picasso se représente ici en buste avec sa palette, face au spectateur. L'artiste apparaît comme un peintre sans pinceau. C'est un autoportrait figuratif où les drapés et modelés permettent d'être proche de la réalité. On constate que le tableau présente très peu de détails et que ceux existants ont été simplifiés. Le modèle est habillé très sobrement, la coiffure et la palette ne présentent presque aucun détail. Le nombre des couleurs utilisées est restreint (bleu-gris, beige rosé et noir) ce qui participe à l'impression de calme et de sévérité dans ce tableau. Dans cet autoportrait, Picasso a vint-cinq ans, il se dépeint comme un peintre confiant dans l’avenir, en raison de son succès croissant, après ses périodes bleues et roses. Son autoportrait comporte une palette, mais pas de pinceau, comme s’il était un magicien qui n’avait pas besoin de medium pour réaliser ses œuvres. Il pose en champion de l'art moderne dans ce contraste de formes simples que sa virtuosité de peintre rend puissante.

 

Picasso apparaît donc comme un peintre fier et déterminé, la palette étant le seul indice du métier de la figure athlétique et coriace représentée, dont la carrure évoque plutôt celle d’un boxeur ou d’un lutteur. Le pouvoir de l'artiste est concentré dans son bras droit, avec son poing fermé qui ne tient plus le pinceau, pourtant dessiné sous la peinture. La vitalité musculaire de ce bras agit en contraste avec l'expression sévère du visage, dont les paupières et les sourcils exagérés, le visage ovale et l'oreille surdimensionnée lui donnent l'aspect d'un masque, séparé du corps par la ligne prononcée de la clavicule. Dans cette peinture, ce reflète les influences stylistiques des récentes rencontres de Picasso avec l'art africain et la sculpture ibérique archaïque. Cet autoportrait affichent également à la fois les caractéristiques du primitivisme des sculptures ibériques (couleurs naturels faisant penser à la terre, au bois ou à la roche, traits simplifiés et comme "creusés" ou sculptés) et les recherches graphiques de Cézanne. Il annonce ce qui allait devenir le cubisme : Picasso détruit la profondeur spatiale, la perspective, et peint des sujets aux formes solides, volumineuses et simplifiées.

 

Il s'agit évidemment d'un autoportrait peint à la troisième personne, puisque les yeux de l'artiste se détournent à une distance indéterminée. C'est comme si l'artiste portait un masque, de la même manière qu'un athlète ou un guerrier porte un casque qui représente son pouvoir mais ne donne aucune indication sur ses pensées ou ses sentiments. Apparaissant pratiquement détachable, le visage est séparé du corps de l'artiste à la fois par sa couleur foncée et par la démarcation nette de la ligne de la clavicule. La stylisation des paupières et des sourcils exagérés, du visage ovale et de l'oreille surdimensionnée s'appuie sur diverses sources, notamment l'inspiration de Gauguin. Ce tableau évoque également l'art dit primitif que Picasso connaissait bien à cette époque, notamment les sculptures ibériques archaïques exposées au Louvre et les sculptures romanes qu'il avait vues en Espagne l'été précédent. (Picasso - autoportrait avec palette,1906 - huile sur toile - 92 x 73 cm - Museum of art, Philadelphia).

 

"Faut-il peindre ce qu'il y a sur un visage ? Ce qu'il y a dans un visage ? Ou ce qui se cache derrière un visage ?”, Pablo Picasso.


---> Retour à l'index de L'Histoire du visage dans l'Art.

Écrire commentaire

Commentaires: 0