Balcon II (Hong-Kong), photographie de Philippe Ramette

Philippe Ramette - Balcon II Hong Kong - 2001
Balcon II Hong Kong

Balcon II (Hong-Kong) de Philippe Ramette est une photographie couleur datant de 2001 ( 155.5 x 126 cm) exposée au Musée national d’art moderne, Centre Pompidou, Paris. Dans cette oeuvre, nous pouvons voir à gauche un balcon de profil surgissant d’un plan aquatique vertical ou un homme en costume noir et chemise blanche se tient debout, lui aussi de profil, jambes droites et parallèles. Les bras tendus tenant la rambarde, il regarde au loin, droit devant lui. La droite de la photographie est occupée par une ville de grattes-ciels (Hong-Kong) tournée à 90° dans le sens des aiguilles d’une montre. Au loin se dessine la montagne, au pied des immeubles on aperçoit quelques bateaux et au sommet de certains buildings des panneaux publicitaires sont visibles (Sharp, Panasonic, Epson) mais doivent également être lus la tête penchée à 90°. Cet alignement dessine du coup une "verticale" assez nette, délimitant le bord de l’eau. Le "pied" des gratte-ciels coupe donc l’image en deux, cette verticale est d'ailleurs reprise par celle de l’encadrement du balcon et de la posture du personnage.

 

Au premier regard, on se dit que cette oeuvre est un photomontage mais en y regardant de plus près, on se rend compte que non. En effet, l’écume blanche visible sur le cadre supérieur du balcon, de même que le pan de costume horizontal, donc perpendiculaire à la ligne verticale du personnage, sont deux indices qui laissent deviner le subterfuge : la photo n’est pas truquée, elle a été en fait tournée à 90°, et le balcon flotte sur l’eau, le personnage étant en réalité horizontal (allongé face au ciel). Le projet conçu à partir d’un dessin fidèle fait intervenir des prothèses, ces supports complexes solidement appareillés par le designer Mathieu Paillard, et dissimulés au moment de la prise de vue. Comme il pose devant l’objectif, qu’il se met en scène, il lui faut un photographe pour immortaliser ses trompe-l’œil. Ce photographe, c’est Marc Domage. Cet homme semble donc tenu par un support invisible qui lui permet de rester à l’horizontale comme s’il était réellement au balcon. Phillipe Ramette fait en même temps tout pour perturber le regard du spectateur, les buildings et la ligne d'horizon renversés perturbent les repères spatiaux. Il faut tourner la tête pour comprendre comment à été construite l'image mais cela enlève toute la poésie et la philosophie de cette oeuvre : de cet homme semblant presque perdre son regard vers l’infini. La neutralité et l’homogénéité des couleurs (nuances de gris/bleu/vert) renforçant l’atmosphère contemplative de l’homme face à ce paysage.

 

Avec cette oeuvre et dans bien d'autres, Philippe Ramette réussit à briser les codes et à donner un nouveau point d'observation aux spectateurs, à l'arracher de sa condition humaine de ne voir le monde que d’un point de vue unique. Mais pour ça, il faut se battre ! Pour Philippe Ramette, réussir à tenir debout et résister à la douleur provoquée par la prothèse qui le maintient dans cette posture horizontale. Pour le spectateur, réussir à mettre sa perception du monde en question, renier ses connaissances scientifiques et se laisser aller également à la contemplation, voir autrement et ailleurs, dépasser sa condition d'Homme... En effet, c’est important de multiplier les points de vue, de voir la poésie du monde sous des angles différents. D'ailleurs, et si les décalages de ce monsieur "Vertigo" n’étaient que les fruits d’une belle méditation contemplative, face à un monde aseptisé ne donnant pas assez de place à d’autres envolées ?

 

"L’idée forte consiste à représenter un personnage qui porte un regard décalé sur le monde, sur la vie quotidienne. Dans mes photos, je ne vois pas d’attirance pour le vide, mais la possibilité d’acquérir un nouveau point de vue.", Philippe Ramette.


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